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France – Burkina Faso : de l’amitié à la défiance, quelles voies pour réinventer le partenariat ?

  • Photo du rédacteur: Kolia LOUISON
    Kolia LOUISON
  • 24 sept.
  • 3 min de lecture

Dernière mise à jour : 27 sept.


Un héritage de proximité, aujourd’hui en crise

Longtemps, la France et le Burkina Faso ont entretenu une relation étroite. Coopération militaire, échanges commerciaux, partenariats universitaires : la présence française au Burkina reposait sur une continuité héritée de l’histoire. Le pays accueillait notamment les forces spéciales de l’opération Sabre, pivot de la lutte antiterroriste au Sahel.

Mais à partir de 2022, la donne change. Le coup d’État militaire, l’expulsion de l’ambassadeur français (janvier 2023) et la dénonciation des accords de défense accélèrent la défiance. La présence militaire française est démantelée, et plusieurs diplomates sont expulsés pour « activités subversives ». L’épisode de la détention de quatre Français accusés d’espionnage (libérés fin 2024) illustre le climat de suspicion.

Des changements politiques et commerciaux structurants

Rupture diplomatique et sécuritaire

En août 2023, Ouagadougou met fin à la convention fiscale bilatérale. Paris suspend en retour son aide au développement. En parallèle, le Burkina rejoint avec le Mali et le Niger l’Alliance des États du Sahel (AES), qui officialise sa sortie de la CEDEAO en janvier 2025 et de la CPI en septembre 2025.

Flux économiques sous tension

Malgré ces crispations, le commerce ne s’est pas éteint :

  • Exportations du Burkina vers la France : ~2,6 M€ (T4 2024).

  • Importations depuis la France : ~62 M€, en recul mais encore substantielles.Les échanges portent sur le coton, les huiles végétales côté burkinabè, et sur les médicaments, le blé ou les produits pétroliers côté français. La Chine et la Côte d’Ivoire apparaissent comme de nouveaux concurrents commerciaux majeurs pour la France.

Réorientation stratégique

La junte burkinabè multiplie les signaux d’ouverture vers de nouveaux partenaires (Russie, Turquie, Chine), et privilégie désormais des alliances régionales resserrées au sein de l’AES.

Pistes de réengagement : humanitaire, numérique et cybersécurité

Face à la défiance politique, Paris et Ouagadougou peuvent trouver des marges de coopération « utiles » dans trois domaines.

1. Re-prioriser l’humanitaire « neutre »

  • Investir dans des projets tangibles et dépolitisés : santé, accès à l’eau, énergie décentralisée, éducation.

  • Recourir aux ONG locales et fonds multi-bailleurs pour maintenir l’action sans dépendre du climat politique.

  • Restaurer la confiance par des résultats visibles pour la population.

2. Miser sur la croissance digitale et la cybersécurité

Le Burkina a déjà adopté une stratégie nationale cybersécurité (2019–2023, puis 2025–2029). Le champ numérique constitue un terrain de coopération pragmatique :

  • Renforcement des capacités techniques (CERT, SOC, formation des cadres).

  • Participation croisée à des événements comme le Forum InCyber de Lille ou des forums régionaux de défense/sécurité.

  • Développement conjoint de solutions e-santé, agri-tech, smart cities, où IA et IoT sont au cœur de l’innovation.

3. Créer un format de dialogue technique

  • Instaurer des comités mixtes « cybersécurité & économie » pour aborder des sujets mesurables (protection des hôpitaux, lutte contre la fraude télécom, résilience bancaire).

  • Relancer un cadre économique limité autour de chaînes d’approvisionnement vitales (médicaments, blé, énergie).

  • Mettre en place une clause de non-ingérence numérique, garantissant la protection réciproque des données et services essentiels.

Reconstruire par l’utile et l’innovant

La relation franco-burkinabè a glissé en une décennie de l’amitié stratégique à une défiance politique ouverte. Mais tout n’est pas rompu. Le commerce existe encore, le besoin humanitaire est immense, et le numérique offre un espace de coopération à la fois discret, concret et prometteur.

C’est dans ce type de projets – formation, cybersécurité, innovation digitale – que les deux pays peuvent rouvrir un canal de confiance. Une diplomatie « par l’utile », qui dépasse l’affrontement idéologique et démontre par l’action que l’amitié, même fragilisée, peut se réinventer.


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